Avertissement relatif au contenu: Cet article comprend des rĂ©fĂ©rences Ă  l’homophobie, Ă  la transphobie et au viol.

L’annĂ©e derniĂšre, LĂČ Kim Thá»§y et son fiancĂ© Ă©taient dans la derniĂšre ligne droite de leurs frĂ©quentations. Elle est originaire d’un petit village montagnard de la province vietnamienne de SÆĄn La,  et il est de la province voisine de PhĂș Thọ. Elle appartient Ă  la minoritĂ© ethnique KhĂĄng, tandis qu’il est d’origine thaĂŻlandaise. Il lui avait promis un mariage, et il ne restait plus qu’à obtenir l’accord de leurs familles.

La coutume locale exigeait que sa famille rende visite à la sienne, puis que le futur marié reste avec sa famille pendant les trois mois suivants, avant de se marier. Cependant, deux jours aprÚs la visite, lui et sa famille ont annulé le mariage.

Thủy, une femme transgenre, a été jugée comme un conjoint inadequat par les parents de son fiancé car elle ne peut pas donner naissance à des enfants.

« En apprenant qu’une femme trans n’Ă©tait pas en mesure d’accoucher, sa famille a Ă©tĂ© frappĂ©e de stupeur. Je sais qu’ils ne reviendront jamais », dit Thá»§y, aujourd’hui ĂągĂ©e de 27 ans.

Elle n’a pas Ă©tĂ© surprise par leur dĂ©cision. Dans sa communautĂ©, perpĂ©tuer la lignĂ©e de son mari est un devoir essentiel pour une Ă©pouse.

« Plusieurs de mes ex-compagnons m’ont quittĂ© dĂšs que je leur ai parlĂ© de mariage. Mais je crois toujours que mon homme idĂ©al m’attend quelque part », dit-elle.

Je prĂ©fĂ©rerais mourir sur une table d’opĂ©ration plutĂŽt que de vivre dans le corps d’un homme pour le reste de ma vie. J’ai dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin d’une chirurgie qui changera ma vie.

Le dĂ©fi de trouver un partenaire dont la famille l’acceptera n’est qu’un des fardeaux que Thá»§y doit supporter en tant que femme transgenre vivant dans la campagne vietnamienne. Mais tant qu’elle n’aura pas trouvĂ© un tel partenaire, elle ne pourra jamais se libĂ©rer du cercle vicieux de la discrimination imposĂ©e par la bureaucratie vietnamienne.

Par exemple, Thá»§y ne pas etre admise a l’universitĂ© ou dans la plupart des emplois officiels Ă  cause de la difference entre son apparence fĂ©minine et le sexe masculin indiquĂ© sur sa carte d’identitĂ© Ă©mise par le gouvernement. Or, pour changer le sexe indiquĂ© sur sa carte d’identitĂ©, elle doit subir une coĂ»teuse chirurgie d’affirmation du genre, qu’elle ne peut pas se permettre en raison de son absence d’emploi stable et de la pauvretĂ© de sa famille.

Le dĂ©calage entre l’apparence de Thá»§y et sa carte d’identitĂ© l’empĂȘche Ă©galement d’obtenir une aide financiĂšre du gouvernement pour les travailleurs indĂ©pendants pendant la pandĂ©mie COVID-19.

Ainsi, afin d’ĂȘtre reconnue par la loi comme une femme, Thá»§y espĂšre trouver un partenaire riche prĂȘt Ă  payer sa chirurgie Ă  l’Ă©tranger.

« Je prĂ©fĂ©rerais mourir sur une table d’opĂ©ration plutĂŽt que de vivre dans le corps d’un homme pour le reste de ma vie. J’ai dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin d’une chirurgie qui changera ma vie », dit-elle.

Comme beaucoup de personnes trans, Thá»§y veut se faire opĂ©rer pour vivre dans un corps qui correspond Ă  son identitĂ© de genre, ce qui lui permettrait Ă©galement de bĂ©nĂ©ficier des droits fondamentaux dont jouissent les autres citoyen·nes vietnamien·nes. Malheureusement, une myriade de dĂ©fis, allant des pressions familiales et culturelles aux contraintes juridiques et Ă  l’insĂ©curitĂ© de l’emploi, font que les personnes trans Ă  faible revenu comme Thá»§y luttent pour ĂȘtre vues et entendues.

Droit et réalité

Ces derniĂšres annĂ©es, le Vietnam a dĂ©veloppĂ© une rĂ©putation d’acceptation de ses citoyen·nes transgenres—ou du moins de ses citoyen·nes cĂ©lĂšbres. En 2018, la chanteuse et mannequin HÆ°ÆĄng Giang est devenue la premiĂšre grande gagnante vietnamienne de Miss International Queen, le plus grand concours de beautĂ© pour femmes trans, faisant d’elle un nom connu dans le pays. En 2020, les grands mĂ©dias vietnamiens fortement censurĂ©s ont cĂ©lĂ©brĂ© le premier bĂ©bĂ© du pays nĂ© d’un homme trans.

La rĂ©cente histoire d’amour de LĂąm ChĂ­ Khanh, qui est devenue cĂ©lĂšbre au dĂ©but des annĂ©es 2000 en tant que chanteur masculin et est revenue au showbiz une dĂ©cennie plus tard en tant que star fĂ©minine, a fait d’elle l’une des principales voix du militantisme LGBTQIA+ en Vietnam.

Cependant, alors que ces histoires pleines de bons sentiments ont souvent été citées comme preuve des progrÚs réalisés par le Vietnam en matiÚre de droits des personnes LGBTQIA+, les défenseur·seuses de ces droits constatent des lacunes dans le systÚme judiciaire du pays en matiÚre de protection des droits des personnes trans.

En 2015, la mĂȘme annĂ©e oĂč le Vietnam a dĂ©pĂ©nalisĂ© les mariages homosexuels, le pays a Ă©galement rĂ©visĂ© son Code civil pour permettre aux personnes transgenres ĂągĂ©es de 18 ans et plus de changer lĂ©galement leur prĂ©nom et leur sexe une fois qu’elles subissent des chirurgies d’affirmation du genre. Cette rĂ©vision est entrĂ©e en vigueur en 2017.

Les personnes trans sont ridiculisées comme paresseuses et inutiles. TrÚs souvent, les échanges verbaux agressifs se transforment en violence physique.

Cependant, selon un rapport de Human Rights Watch datant de 2020, les changements « ne prévoyaient pas de procédure transparente et accessible pour changer de sexe légal ».

En assimilant la transition Ă  une intervention mĂ©dicale, mĂȘme les lois actualisĂ©es du Vietnam dĂ©savantagent les personnes trans Ă  faible revenu comme Thá»§y.

Selon un rapport de 2019 sur les personnes transgenres au Vietnam par le groupe de dĂ©fense des droits des minoritĂ©s basĂ© Ă  Hanoi, Institute for Studies of Society, Economy and Environment (iSEE), seulement 40% des 610 personnes trans interrogĂ©es peuvent se permettre une chirurgie d’affirmation du genre , qui coĂ»te environ aux 5000 dollars amĂ©ricains au Vietnam. Les autres doivent emprunter de l’argent Ă  leurs parents ou Ă  des banques, ou ĂȘtre parrainĂ©s par des hĂŽpitaux privĂ©s ou des salons de beautĂ© qui paient occasionnellement des opĂ©rations chirurgicales pour faire de la publicitĂ© pour ces procĂ©dures.

Le mĂȘme rapport indique que 78% des personnes interrogĂ©es ont exprimĂ© le besoin de soins mĂ©dicaux liĂ©s Ă  la transition.

De plus, dit-il, la chirurgie mammaire, affirmant le genre, n’est disponible que dans deux hĂŽpitaux du pays—à Hanoi et Ă  Ho Chi Minh-Ville—tandis que les chirurgies de reconstruction gĂ©nitale doivent ĂȘtre effectuĂ©es en dehors du Vietnam. À son retour au pays, une personne trans serait tenue de faire inspecter son corps pour s’assurer qu’il est conforme Ă  la dĂ©finition du gouvernement d’un corps masculin ou fĂ©minin, dit Ken. Ensuite, il y a un processus en trois Ă©tapes, d’une durĂ©e d’un mois pour faire approuver la demande d’affirmation de genre par les autoritĂ©s locales, ajoute le militant.

« Les politiques sont mises en Ɠuvre par les autoritĂ©s locales, qui sont, le plus souvent, loin d’ĂȘtre sensibles aux questions de genre », explique une militante basĂ©e Ă  HanoĂŻ qui a demandĂ© l’anonymat par crainte de reprĂ©sailles pour avoir parlĂ© franchement du gouvernement vietnamien.

« Beaucoup d’entre elleux ne savent pas comment traiter une demande de changement d’identitĂ©. Ielles** hĂ©sitent Ă  prendre une dĂ©cision car ielles ont peur de se tromper, alors ielles retardent le traitement des cas de changement d’identitĂ© », dĂ©clare la militante Ă  New Naratif.

Grandir en tant que trans

En l’absence de lois rendant possible une transition lĂ©gale pour elle, ou d’un partenaire aisĂ© prĂȘt Ă  payer la chirurgie dont elle a besoin, Thá»§y a dĂ©cidĂ© de canaliser son dĂ©sir de changement dans le militantisme , en dĂ©fendant les jeunes trans qui grandissent au sein des minoritĂ©s ethniques rurales comme la sienne.

S’exprimant en tant que panĂ©liste lors d’une table ronde virtuelle sur les droits des personnes LGBTQIA+ Ă  la fin du mois de mars, Thá»§y dit que les personnes trans issues de minoritĂ©s ethniques de sa province d’origine continuent d’ĂȘtre victimes d’intimidation de la part de leurs voisin·es.

« Les personnes trans sont ridiculisées comme paresseuses et inutiles. TrÚs souvent, les échanges verbaux agressifs se transforment en violence physique », dit-elle.

Selon elle, les personnes trans issues de minoritĂ©s ethniques ont besoin de plus d’occasions de raconter leur histoire et d’expliquer comment la discrimination structurelle entrave leurs perspectives d’emploi. Elle raconte Ă©galement le soutien direct qu’elle a apportĂ© Ă  ses pairs trans, comme le fait d’offrir la chambre d’amis de sa maison aux personnes trans fuyant la violence domestique et de rendre visite aux parents de jeunes trans issues de minoritĂ©s ethniques pour normaliser les identitĂ©s trans dans leurs foyers.

Sa comprĂ©hension de la maniĂšre de soutenir les jeunes trans remonte Ă  l’Ă©poque oĂč elle n’était pas encore militante, lorsqu’elle grandissait en tant qu’enfant d’agriculteurs dans sa province appauvrie du nord-ouest.

LĂČ Kim Thá»§y Ă  Thuáș­n ChĂąu, SÆĄn La en DĂ©cembre 2020.
LĂČ Kim Thá»§y Ă  Thuáș­n ChĂąu, SÆĄn La en DĂ©cembre 2020.

Le groupe ethnique KhĂĄng de Thá»§y compte 13000 personnes Ă  travers le pays de 97 millions de personnes et 54 groupes ethniques, selon le Bureau gĂ©nĂ©ral des statistiques du Vietnam en 2019. Selon Thá»§y, parmi les 180 mĂ©nages vivant en dessous du seuil de pauvretĂ© dans son village montagneux, sa famille de sept est l’une des plus pauvres.

À l’Ăąge de 8 ans, Thá»§y dit qu’elle se sentait dĂ©jĂ  comme un poisson hors de l’eau parmi ses pairs. À 12 ans, elle a laissĂ© Ă©chapper Ă  des amis qu’elle Ă©tait une femme dans le corps d’un homme.

À 15 ans, sous la pression de sa famille et des voisin·es de son village, oĂč les mariages prĂ©coces sont une pratique courante, Thá»§y a embauchĂ© une inconnue pour se faire passer pour sa petite amie.

« Si je ne ramenais personne Ă  la maison, mes parents seraient en colĂšre et auraient honte », dit-elle, expliquant qu’un garçon de 15 ans sans petite amie serait la risĂ©e du village.

En 2011, en raison des difficultĂ©s financiĂšres de sa famille, Thá»§y, alors ĂągĂ©e de 17 ans, a Ă©tĂ© envoyĂ©e chez son oncle Ă  environ 60 kilomĂštres de lĂ , dans la ville de Thuáș­n ChĂąu, oĂč elle est allĂ©e au lycĂ©e et a fait des travaux agricoles, de la cuisine et du mĂ©nage jusque tard le soir en Ă©change du gĂźte et du couvert.

« J’ai eu plus de chance que beaucoup d’autres ami·es,, qui ont dĂ» migrer vers d’autres villes pour vendre leur corps », dit-elle, faisant rĂ©fĂ©rence Ă  des adolescent·es pauvres de son village qui ont dĂ©mĂ©nagĂ© dans les villes pour se livrer au travail du sexe.

J’ai finalement Ă©tĂ© payĂ© quand je m’habillais comme une femme.

Mais mĂȘme Ă  Thuáș­n ChĂąu, les camarades de classe de Thá»§y l’intimidaient Ă  cause de ses traits fĂ©minins et parce qu’elle ne parlait pas couramment le vietnamien. Elle a trouvĂ© du rĂ©confort dans des activitĂ©s parascolaires, comme la danse traditionnelle, oĂč elle a commencĂ© Ă  s’habiller avec des vĂȘtements fĂ©minins.

« Je pouvais m’habiller confortablement comme une femme quand j’Ă©tais sur scĂšne », dit Thá»§y, qui a appris la danse traditionnelle en regardant des vidĂ©os YouTube et a commencĂ© Ă  se produire Ă  l’Ăąge de 16 ans.

Mais c’est l’exposition Ă  Facebook pendant ses annĂ©es de lycĂ©e qui a changĂ© sa vie. Elle a finalement appris le terme đồng tĂ­nh, qui signifie homosexualitĂ©, auquel elle sentait qu’elle pouvait s’identifier, et elle a rejoint des discussions de groupe oĂč elle ressentait un sentiment d’appartenance.

« J’étais ravie de savoir qu’un garçon pouvait tomber amoureux d’un garçon », dit-elle, se rappelant une Ă©poque oĂč elle pensait qu’elle Ă©tait un homme gay.

Pour l’adolescente Thá»§y, les rencontres en ligne ont Ă©galement permis d’Ă©chapper e aux remarques cinglantes des voisin·es et des proches qui l’accusaient d’ĂȘtre une perverse.

Les rĂ©seaux Facebook l’ont Ă©galement aidĂ©e Ă  trouver des emplois informels aprĂšs avoir obtenu son diplĂŽme d’Ă©tudes secondaires. À 19 ans, elle travaille comme mannequin sur les podiums, interprĂšte des danses traditionnelles lors de mariages et accompagne des hommes dans des bars Ă  karaokĂ© de Thuáș­n ChĂąu pour gagner un maigre revenu. Les reprĂ©sentations sur scĂšne, au cours desquelles elle enfilait une longue perruque noire, une jupe jusqu’aux genoux et un soutien-gorge rembourrĂ© grande taille, ont renforcĂ© sa confiance et ses revenus.

« J’ai finalement Ă©tĂ© payĂ© quand je m’habillais comme une femme », dit Thá»§y. Elle gagnait environ 50 dollars amĂ©ricains par mois, dont environ 30 dollars amĂ©ricains qu’elle renvoyait Ă  ses parents.

Mais Facebook lui a Ă©galement causĂ© des problĂšmes. Lorsque les parents de Thá»§y ont vu en ligne des photos de leur fille de 19 ans portant des robes, des talons hauts et du maquillage Ă©pais, ils l’ont appelĂ©e depuis Thuáș­n ChĂąu et ont menacĂ© de la renier.

« Ce fut la pĂ©riode la plus dĂ©courageante de ma vie », dit Thá»§y. Elle a jeĂ»nĂ© pendant plusieurs jours en signe de protestation. Sa sƓur cadette ThĂȘm la soutenait et sa mĂšre Ă©tait quelque peu tolĂ©rante, mais les deux femmes ne pouvaient pas dĂ©fendre Thá»§y devant son pĂšre et ses deux frĂšres aĂźnĂ©s.

Ses parents ont payĂ© environ 200 dollars amĂ©ricains Ă  un mĂ©dium local qui prĂ©tendait ĂȘtre capable de provoquer l’amour ou des ruptures grĂące Ă  ses sorts.

« Mes parents gagnaient Ă  peine leur vie, mais Ă©taient prĂȘts Ă  payer pour le sorcier trĂšs respectĂ© afin que je me sĂ©pare de mon petit ami d’alors », dit Thá»§y, ajoutant que ses sentiments pour lui se sont dissipĂ©s peu de temps aprĂšs.

Mais au cours des deux annĂ©es suivantes, l’intolĂ©rance de sa famille s’est Ă©galement dissipĂ©e.

« AprĂšs tout, Thá»§y est trĂšs douĂ©e pour les tĂąches mĂ©nagĂšres », dit ThĂȘm, « et la famille a Ă©galement besoin de son revenu supplĂ©mentaire ».

Devenir une reine de beauté

En 2016, aprĂšs avoir dĂ©pensĂ© 50 dollars amĂ©ricains en vĂȘtements et cosmĂ©tiques, Thá»§y, 22 ans, a participĂ© Ă  un concours de beautĂ© trans dans sa province avec le rĂȘve de devenir une cĂ©lĂ©britĂ©.

« Une fois que je serai devenu une personne cĂ©lĂšbre, les gens me regarderont diffĂ©remment. Le titre « Miss Trans » restera avec moi pour toujours », se souvient-elle avoir pensĂ© Ă  l’Ă©poque.

Le concours de beautĂ© comprenait des sĂ©ries de dĂ©filĂ©s en tenue de soirĂ©e et des reprĂ©sentations traditionnelles, ainsi qu’un entretien. Thá»§y a rĂ©ussi Ă  se hisser jusqu’au dernier tour du concours, mais elle n’a pas gagnĂ©. Insatisfaite, elle est revenue deux ans plus tard et a remportĂ© la premiĂšre place. Le prix en espĂšces n’Ă©tait que de 15 dollars amĂ©ricains , mais le titre a fait toute la diffĂ©rence pour Thá»§y.

« Je suis toujours la mĂȘme personne, mais je n’endure plus les regards cyniques et mĂ©prisants de mes voisin·es », dit-elle. « Mes parents ne font peut-ĂȘtre pas confiance Ă  tout ce que je dis, mais ielles croient ce que disent les gens cĂ©lĂšbres, et je suis maintenant une personne cĂ©lĂšbre dans ma ville natale ».

En dĂ©cembre 2020, Ă  la fin de ses deux ans de rĂšgne comme Miss Trans SÆĄn La, les parents de Thá»§y ont organisĂ© une fĂȘte en son honneur pour plus de 60 personnes dans leur village. Thá»§y dit que la cĂ©lĂ©bration l’a rendue fiĂšre d’ĂȘtre elle-mĂȘme.

« Mes voisin·es m’ont vu grandir comme un garçon. Maintenant, leur prĂ©sence implique qu’ielles m’acceptent en tant que fille. À partir de maintenant, iells ne stigmatiseront plus un homme devenu femme ou vice versa », dit-elle.

« Reine des conférences »

Thá»§y a suivi une formation sur la diversitĂ© des genres Ă  HanoĂŻ en janvier, qu’elle a qualifiĂ©e de « fastidieuse comme d’habitude ».

« Je ne faisais pas attention », admet-elle. « Ielles ont bavardĂ© pendant des heures sur des choses que je comprenais Ă  peine. …Ma prĂ©sence tĂ©moigne de l’engagement des organisateur·trices en faveur de la diversitĂ©. On me demande seulement de m’asseoir, pas de parler ».

« Je ne suis ici que pour l’indemnitĂ© », ajoute-t-elle.

Ielles nous sensibilisent aux dĂ©fis auxquels sont confrontĂ©es les communautĂ©s LGBT+. Comment se fait-il qu’ielles aient besoin de nous parler de choses que nous connaissons depuis toujours ?

Thá»§y accepte rĂ©guliĂšrement des offres pour assister Ă  des confĂ©rences parrainĂ©es par des ONG car les organisateurs prennent en charge ses frais de dĂ©placement, de nourriture et d’hĂ©bergement. Elle reçoit une allocation quotidienne d’environ 15 dollars amĂ©ricains. Sur place, elle essaie de se lier d’amitiĂ© avec des militants LGBTQIA+. Ses ami·es lui ont donnĂ© le titre: « Reine des confĂ©rences ».

Mais le jargon et la platitude de ces événements ne sont que ses petits reproches.

« Ielles nous sensibilisent aux dĂ©fis auxquels sont confrontĂ©es les communautĂ©s LGBT+. Comment se fait-il qu’ielles aient besoin de nous parler de choses que nous connaissons depuis toujours ? » dit Thá»§y. « Pour ĂȘtre franche, j’en sais beaucoup plus qu’elleux. Ce ne sont mĂȘme pas des initié·es. Ielles auraient plutĂŽt dĂ» dĂ©penser cet argent pour nous aider Ă  accĂ©der aux opĂ©rations chirurgicales ».

En 2019, Thá»§y a Ă©tĂ© invitĂ© Ă  prendre la parole lors d’un Ă©vĂ©nement parrainĂ© par l’ONU Ă  Hanoi. Par la suite, alors qu’elle rentrait chez elle dans un bus de nuit avec une amie qui est Ă©galement une femme trans, Thá»§y dit avoir Ă©tĂ© violĂ©e par deux chauffeurs.

« Nous ne pouvions ni pleurer ni crier. C’Ă©tait en pleine nuit. Les autres passagers n’auraient pas dĂ©fendu les deux [femmes] trans. Ielles n’auraient pas cru que nous Ă©tions des victimes », dit-elle. « Dans le pire des cas, ielles m’auraient peut-ĂȘtre expulsĂ© du bus au milieu de nulle part, ce qui aurait Ă©tĂ© encore plus effrayant. Les gens auraient pu penser que nous Ă©tions des hommes. Comment des hommes peuvent-ils ĂȘtre violĂ©s? J’ai dĂ» choisir le moindre des deux maux ».

Si le code pĂ©nal vietnamien n’indique pas qu’une victime de viol doit ĂȘtre une femme, la loi met l’accent sur les rapports sexuels, qui sont juridiquement compris comme Ă©tant entre un homme et une femme. Dans la pratique, les autoritĂ©s vietnamiennes partent souvent du principe que les victimes de viol sont des femmes.

Thá»§y dit qu’elle n’a jamais signalĂ© le crime aux autoritĂ©s parce qu’elle pense que l’affaire ne serait pas poursuivie puisque sa carte d’identitĂ© indique qu’elle est un homme.

Bien qu’elle ne regrette jamais le jour de 2013 oĂč elle s’est dĂ©clarĂ©e publiquement femme trans, elle conseille aux autres personnes transgenres de ne pas le faire Ă  moins d’avoir obtenu un emploi stable.

« Comme j’ai osĂ© faire mon coming-out, je ne pouvais pas aller Ă  l’universitĂ© ou avoir un emploi dĂ©cent », dit Thá»§y, qui est maintenant administratrice d’un groupe de discussion Facebook pour les jeunes trans d’une minoritĂ© ethnique dans sa province.

Son titre de concours a fait d’elle une cĂ©lĂ©britĂ© mineure dans sa ville natale, et les gens la connaissent sous le nom de Miss Trans SÆĄn La. Mais la cĂ©lĂ©britĂ© ne lui a pas permis de trouver un emploi ni changĂ© le sexe sur sa carte d’identitĂ©. Avec peu d’autres perspectives rĂ©alistes, Thá»§y ne cache pas vouloir un mariage prĂ©cipitĂ© avec un homme riche.

« Je ne crois plus au grand amour », dit-elle. « J’ai besoin d’un homme capable financiĂšrement de prendre soin de moi ».


*Le nom prĂ©fĂ©rĂ© de l’activiste a Ă©tĂ© utilisĂ©.

**Cet article est rĂ©digĂ© en utilisant l’Ă©criture inclusive pour montrer une Ă©galitĂ© des reprĂ©sentations entre les femmes et les hommes. Pour plus d’informations, cliquez ici.

Tracy Valera is a pseudonym for a social activist based in Hanoi who requested anonymity due to fear of reprisals by the government of Vietnam.

Tracy Valera est le pseudonyme d'une activiste sociale basée à Hanoi qui a demandé l'anonymat par crainte de représailles de la part du gouvernement vietnamien.

Charis is an illustrator, comics editor, and programme designer based in Malaysia. Her interests include how comic artists and illustrators exchange resources in their networks, capacity-building for comic artists and illustrators, and drawing as a research method. Charis was formerly Comics Editor and Illustrations Editor for New Naratif.